Entretien avec Xavier de la Selle, directeur du Rize, Villeurbanne, dans le cadre du Forum des archivistes en 2013
Ce n’est pas auprès du président de l’AAF que nous avons eu envie de solliciter cet entretien, mais auprès de l’ancien directeur des Archives départementales de l’Aube. Quel regard portez-vous sur l’évolution des outils depuis vingt ans que dure notre collaboration ?
En remontant vingt ans en arrière, je prends conscience de l’importance de l’histoire informatique des services. Au début des années 1990, les progiciels de gestion d’archives intégrés n’existaient pas vraiment, ou se présentaient comme des projets pionniers et expérimentaux : c’était l’époque de Gaia en Seine-et-Marne, et du projet ARDENT porté par un « consortium » d’une dizaine de départements. Dans l’Aube, on partait d’une approche de gestion physique et la question était bien de savoir comment informatiser la description documentaire des archives. La collaboration avec votre société, s’est construite progressivement, dans le temps. Elle était fondée sur une vision à la fois pragmatique (pour tenir compte des logiciels existants, Texto en l’occurrence), et prospective : il s’agissait de prévoir à moyen terme la manière dont on pourrait prendre en compte globalement les descriptions de tous les fonds et collections (archives, bibliothèque et images) et de tous les niveaux de descriptions (fonds, séries, dossiers, pièces). Je garde un souvenir très positif de la relation de travail qui s’est tissée au fil du temps. Alors que l’offre logicielle n’était pas très fournie, et les normes de descriptions inexistantes – ISAD (G) est publiée juste après -, nous avons trouvé ensemble un bon compromis entre le réalisme lucide lié à l’état du marché et les ambitions intellectuelles qui ont abouti finalement au logiciel Thot, avec l’arrivée d’un nouveau partenaire, la société Sicem.
Comment cela s’est-il passé ?
Après la mise en place des outils documentaires développés à partir de Cindoc (le logiciel de GED, qui a succédé à Texto), puis intégrés dans Thot, le service des archives de l’Aube est entré dans une nouvelle phase. Ce sont les projets de numérisation d’une part, et les projets d’action culturelle d’autre part, qui ont trouvé leur valorisation sur internet. Ces réalisations ont d’abord mis la priorité sur des objectifs de médiation et de pédagogie, notamment autour des expositions successives sur les sceaux et les blasons de Champagne, en collaboration avec la médiathèque de Troyes. Cette ouverture aux collaborations avec d’autres institutions et la recherche de nouveaux publics a orienté fortement les projets mis en œuvre avec la société 1 égal 2. Les résultats ont dépassé le simple développement d’un produit et la relation client/prestataire : la créativité de l’équipe marseillaise, ajoutée à un dialogue et à un jeu d’aller-retour avec l’équipe des Archives de l’Aube, a clairement abouti à une forme très originale de valorisation, qui a conservé sa valeur jusqu’à aujourd’hui.
Que pensez-vous de la place que doivent prendre les dimensions esthétiques, ludiques, ergonomiques dans les portails d’archives ?
Le Mystère de la Cordelière, projet innovant soutenu par le Ministère de la Culture représente pour moi un bon exemple de l’importance du design et de l’interactivité ludique dans la mise en valeur des archives. Les documents d’archives sont d’abord des ressources documentaires, mais quand on parle d’Internet, on ne peut dissocier le fond et la forme, la fonction informationnelle utilitaire et l’enjeu esthétique de la publication. Il reste néanmoins encore des progrès à faire pour une meilleure évaluation des usages des internautes. Une connaissance plus fine des publics du web et de leurs attentes en matière d’archives permettrait de mieux comprendre les ressorts de motivation et la manière d’en jouer dans la conception des portails d’archives.